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Photo du rédacteurBarok Avocats

Quand la liberté n'est plus la règle ! Le PLFSS 2023 : la coercition avant tout !



Il y aurait beaucoup à dire sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, qui signe la fin du « quoi qu'il en coûte » et entend bien faire payer aux professionnels de santé l'explosion des dépenses de santé dues à la pandémie, comme s'ils en étaient responsables.


L'idée de cette loi est simple : les professions de santé sont responsables des fraudes à l'assurance maladie, laquelle doit voir ses pouvoirs élargis pour sanctionner plus rapidement les délinquants même potentiels.


Assurément, le propos n'est pas nouveau, et c'est le sens de l'histoire ; toujours plus de contraintes dans un contexte de suspicion généralisée ou n'importe quel professionnel libéral est suspecté par nature de fraude, d'abus, de faute.


Si le bal a été ouvert il y a des décennies avec la création de ce que la fédération des médecins de France, a justement nommé les délits statistiques, instituant le contrôle préalable notamment des arrêts de travail, celui-ci s'est prolongé par une valse à trois temps entre 2020 et 2022.


Le premier temps a été le décret 2020-1465 du 27 novembre 2020, passé inaperçu ou presque, à une heure où le covid faisait rage et avec lui les débats autour des mesures de freinage et de leur pertinence.


Seuls quelques rares organisations syndicales ont compris spontanément la portée de ce texte, qui inaugurait ce qu'allait être le monde d'après covid pour les professions de santé.


Celui-ci a instauré le déconventionnement d'urgence en cas de suspicion d'infraction pénale de la part du praticien libéral.


L'article R162-54-10 du code de la sécurité sociale instauré par ce décret est un modèle de régression de la présomption d'innocence, d'enterrement des droits de la défense, et de consécration de l'hégémonie de l'organisme payeur qu'est l'assurance maladie


Il s'agit ni plus ni moins de permettre un déconventionnement d'urgence, et donc concrètement de couper les subsides au professionnel concerné, En cas de violation particulièrement grave des engagements conventionnels de la part de celui-ci dit le texte.


Que s'agit-il d'entendre par violation particulièrement grave ? C'est simple : ce que le directeur de l'assurance maladie décide ! Ni plus ni moins !


Nul besoin d'aller chercher des considérations jurisprudentielles ou doctrinales complexes : la loi du soupçon ne s'en accommode guère.


Il suffit que les faits reprochés soient de nature à justifier une plainte pénale pour que la procédure de déconventionnement d’urgence puisse se mettre en place.


Il n’est nul besoin d’une décision de poursuite et mieux encore de condamnation, pas plus qu’il ne soit nécessaire de justifier le dépôt d’une plainte ! Il suffit que les faits reprochés soient de nature à justifier celle-ci !


Autrement dit, et au regard de plus de 15 ans d'expérience dans la défense des professions de santé, il est notoire qu’environ 95 % de l’activité des soignants libéraux est concernée par ce nouveau mécanisme absolument inique.


Le Conseil d'Etat, sans surprises, au nom d'une certaine idée de l'intérêt général qui nécessite de faire la chasse aux fraudeurs et pour sauver le système de sécurité sociale à la française décidément mis en péril par ces délinquants en puissance que sont les professionnels de santé, n'aura rien trouvé à redire à cette nouvelle entorse aux droits de la défense et la présomption d'innocence.


C'est le second temps de la valse dans lequel le gardien des libertés individuelles, comme aime à se faire appeler le conseil d'Etat, refusant de laisser ce titre réservé aux juridictions judiciaires, par un arrêt du 11 février 2022 a validé l'intégralité du texte ainsi déféré à sa censure au motif que le déconventionnement d'urgence n'était pas une sanction (sic) et que la notion de violation manifestement grave des engagements conventionnels ne présentait aucune ambiguïté (sic sic).


Ainsi, mais n'avait-on averti à temps et à contretemps, est consacré le fait que la suspension ad hominem des professionnels de santé et la privation de tout subside est parfaitement légal, et ne saurait constituer une sanction.


A ce titre, la suspension sans salaire des personnels récalcitrants à la vaccination contre le covid n’était pas non plus une sanction et a été validée par le Conseil d'Etat dans la même indifférence que la validation du déconventionnement d'urgence.


Les ravages de ces mesures et les précédents qui sont ainsi créés sont terrifiants sur le plan du droit, et le professionnel de santé est devenu une variable d'ajustement qui n'a plus que des devoirs et aucun droit.


Et pour ceux qui trouveraient notre propos excessif ou caricatural, il faudrait alors se tourner vers le troisième temps de cette valse infernale qu'est la loi de financement de la sécurité sociale, et plus particulièrement son article 44, qui atteint des sommets en matière de régression de l'Etat de droit.


L’article 315-1 du code de la sécurité sociale bien connu des praticiens du droit et pas assez des professionnels de santé instaure depuis longtemps déjà, le droit pour la CPAM de réaliser des contrôles de l'activité des soignants libéraux.


Les règles sont normalement précises et les textes qui encadrent l'analyse d'activité sont claires et ne souffrent aucune ambigüité quant au nécessaire respect des droits de la défense des professionnels contrôlés.


Mais que valent de nouveau quelques considérations bien personnelles sur les droits des personnes contrôlées, face à l'impérieuse nécessité de lutter contre la fraude au système d'assurance maladie à la française ?


Du reste, n'est-ce pas exactement la leçon prise par les plaideurs à chaque audience où avec une impardonnable outrecuidance est soulevée la violation manifeste des articles régissant l'analyse d'activité sous la forme de phrases aussi sibyllines qu’assassines « Maître : concentrons-nous sur les faits et voyons si la solidarité nationale a été lésée ».


Quoi qu'il en soit, et alors que les CPAM, vertueuses gardiennes de la solidarité nationale disposaient de pouvoirs consacrés ex nihilo par un juge administratif bien complaisant, et un juge judiciaire pour qui les droits de la défense ne sont qu'une perte de temps pour coupables en mal d'arguments, il fallait aller plus loin, toujours plus loin : la solidarité nationale et la fin de l'abondance étant à ce prix.


En effet, les services de contrôle des CPAM étant débordées par les choses à faire et disposant de si peu d'effectifs pour les faire, se voient désormais investis d'un tout nouveau pouvoir ; l'extrapolation donnant corps à la maxime bien connue « Qui vole un œuf vole un bœuf ! ».


Pour faire simple ; désormais un contrôle des facturations aura lieu sur quelques mois et en cas d'anomalies, celles-ci seront extrapolées sur .... 3 ans pour calculer le montant du préjudice.


La fin de l'abondance des droits, et en enfer l'avarice et les avaricieux : 3 mois ou 3 ans, finalement, le temps n'est qu'un instant.


Mais surtout que personne ne s'y trompe : le nouveau dispositif prévoit « une procédure contradictoire qui garantit les droits des personnes ou établissements contrôlés ».


Evidemment la question posée par les néophytes serait celle de savoir : quelles sanctions en cas de violation de ces maigres garanties ?


Les professionnels aguerris, à l'instar de l'auteur de ces lignes ne posent plus la question car ils connaissent la réponse : aucune !


L’histoire se répète dans un mouvement infernal : toujours plus de devoirs pour les professionnels, toujours moins de droit : soigne et tais-toi !


Il y a pire encore si l'on considère que le texte prévoit que « lorsque la somme fixée en application de l’alinéa précédent recueille l’accord écrit du professionnel, distributeur ou établissement, son montant est opposable aux deux parties ».


C'est logique s'écrieront les bonnes âmes mais les praticiens, eux, savent que la plupart du temps, la reconnaissance de faits par des professionnels épuisés et déroutés par la violence des contrôles ne vaut rien, surtout s'ils ne sont pas assistés d'un avocat.

Légions sont les exemples de réponses approximatives à des questionnaires envoyés par l'assurance maladie, faites à 21 heures sur un coin de table et qu'aucune précision ultérieure si elle est favorable ne pourra plus modifier


Légions sont encore les exemples de professionnels que le service du contrôle médical, après les avoir dissuadés de se faire accompagner d'un avocat leur fait signer à l'issue d'une réunion informelle une reconnaissance de responsabilité quant aux faits reprochés.


Ces considérations sont par trop subtiles pour les juges pour qui, une fois encore, le système de santé à la française vaut bien quelques sacrifices, celui des droits de la défense des professionnels de santé en étant un parmi d’autres.


Enfin, et à titre conclusif, on ne peut que s'inquiéter des extrapolations des CPAM, si l'on considère que la CNAMTS en septembre 2022 a annoncé « entre 185 et 285 millions d’euros par an de fraudes pour les médecins généralistes libéraux » basée sur... 579 médecins aux prescriptions « atypiques ». Parmi eux 292 fraudeurs avérés et 4 millions d’euros de préjudice.


4 millions ou 285 millions... une extrapolation de plus... rien d’autre... et puis au fond, il n'y a que des fraudeurs : les avérés et les potentiels : les uns sont démasqués et pour les autres : une simple question de temps.


Dommage que ces points n'aient pas été évoqués par les médecins grévistes ou leurs syndicats, alors qu'ils sont et de loin bien plus problématiques que la seule valeur de l'acte médical.

Mais en ont-ils seulement connaissance ?


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